Le rôle de l’activité physique dans le développement de l’enfant
PAR PIERRE VIRET | Article écrit pour PTA Global
L’impartialité est l’absence de parti pris. Elle est généralement associée à la neutralité, l’équité, l’objectivité et la notion de justice. Je tiens à vous prévenir, lorsqu’il est question d’activité physique et d’enfant, mon jugement correspond sans aucune équivoque à l’antagonisme parfait de la définition de l’impartialité. Inconditionnel de l’activité physique depuis mon plus jeune âge, je suis vendu au sport. Je suis de ceux qui pensent que nous devrions avoir des cours d’éducation physique chaque jour d’école. Je suis de ceux qui pensent que le mouvement est systématiquement une partie de la solution lorsque l’on aborde les enjeux sociaux reliés à la santé. Je suis le père d’un petit garçon de deux ans, à qui je promets, au meilleur de mes connaissances et de mes capacités, de lui offrir un environnement qui respire le mouvement. Enfin bref, vous m’avez compris...
L’enfant : un grand consommateur de glucose
Et oui, le cerveau carbure au glucose et celui d’un enfant de 8 ans en consomme près de deux fois plus que celui d’un adulte. En fait, pour un enfant entre 4 et 8 ans le cerveau peut impliquer jusqu’à 65 % de la dépense énergétique quotidienne, alors que pour l’adulte cela représente moins de 25 %. C’est pour vous dire comment ça bouillonne la haut ! Bien entendu, toute cette consommation de glucose correspond au développement des structures nerveuses impliqué dans ce que nous appelons, la maturation du système nerveux. L’enfance est une période charnière dans le développement de notre système nerveux.
Maturation + Environnement = Développement
C’est la maturation qui, jumelée à l’interaction de l’enfant avec son environnement (stimulation), permet le développement de l’enfant. À moins d’une pathologie, la maturation du système nerveux est invariable d’un enfant à l’autre, la vitesse elle, peut varier, mais pas le processus. Nous allons tous marcher, la question est de savoir quand ? C’est davantage l’environnement dans lequel l’enfant évolue qui crée donc les spécificités uniques propres à chaque enfant. Parmi ces spécificités, nous retrouvons un groupe d’entre elles dédié aux mouvements. C’est l’évolution de ces capacités qui est appelé le développement moteur. Il est important de noter qu’il existe d’autres catégories de développement : affectif, cognitif, social, etc. Vous comprendrez plus tard le sens du mot écrit en rouge dans la phrase qui précède.
L’importance du développement moteur
Imaginez un instant que vous soyez resté au stade de ramper toute votre vie. Pensez-vous que cela aurait influencé votre développement ? Bien entendu, cela s’explique par l’essence même du rôle du développement moteur, celui de l’exploration. Le fait d’acquérir de nouvelles habiletés (marcher, courir, sauter, lancer, attraper, etc.) permet d’accroître l’environnement dans lequel nous évoluons (plus de stimulus). À titre d’exemple, il a été démontré que l’acquisition de nouveaux stades de locomotion tels que ramper ou marcher coïncidait à des pics d’évolution dans le développement d’un enfant. C’est d’ailleurs pour cette même raison qu’il est recommandé aux jeunes parents de prendre régulièrement leurs enfants dans les bras en les tenant de façon à ce qu’ils soient face à l’environnement externe et non contre leur poitrine ; ainsi, ils ont accès à davantage de stimulations et par conséquent d’opportunités de développement.
L’effet papillon du développement moteur
Le développement moteur a une influence sur le développement des autres capacités d’un enfant : affective, par la confiance et l’autonomie que procureront les habiletés motrices acquises; cognitive, par l’apprentissage des relations de cause à effet; social, par le jeu avec les autres, etc. Rappelez-vous du mot en rouge ! Chaque capacité stimulée et développée chez l’enfant a pour conséquence d’influencer son développement dans sa globalité. Nous parlons ici des effets sur le développement moteur, mais nous pourrions inverser le raisonnement et ainsi démontrer comment le développement d’une capacité cognitive ou sociale peut influencer le développement moteur d’un enfant.
Et l’activité physique dans tout ça ?
Vous me voyez venir, la compréhension du développement de l’enfant met en évidence les bienfaits d’un environnement actif. Le mouvement est une source d’apprentissage et de développement inépuisable. La stimulation motrice implique non seulement de nombreuses structures nerveuses mais encore plus important, stimule la connectivité entre les diverses zones du cerveau. Depuis le début des années deux milles, l’évolution des techniques d’imagerie nous permet de mieux comprendre comment notre cerveau fonctionne. De plus en plus, un concept appelé ergonomie du cerveau met en évidence l’efficacité des capacités neurologiques lorsque de multiples zones du cerveau sont impliquées dans une tâche précise. À ce jour, la stimulation motrice semble être la plus complète en termes de connectivité multiple !
Quoi faire ?
La théorie c’est gentil, mais concrètement, comme entraîneur, je fais quoi avec un enfant. La réponse est rassurante, tout fonctionne. Vous ne pouvez pas vous tromper, toute activité impliquant le mouvement sera bénéfique pour le développement de l’enfant. La vraie question est, qu’est-ce que je peux faire de mieux. Je n’ai pas de réponse universelle, chaque enfant est différent. L’âge, le niveau d’habileté, la personnalité et la motivation sont des composantes parmi d’autres dont il faut tenir compte. Comme pour n’importe quel individu, il faut s’adapter. Je vous rassure, je ne termine ainsi, car comme l’exprime la prémisse de ce paragraphe, la théorie n’est pas une fin en soi.
Amber
Je vous présente Amber, une petite fille de 6 ans qui adore venir à ma classe d’agilité pour enfant. Elle y vient deux fois par semaine avec le sourire, et ce, malgré qu’elle n’ait pas de très bonnes habiletés motrices. Compte tenu de son âge, Amber est à un stade d’exploration, son système nerveux est avide d’apprentissage et recherche toute forme de stimulation. Mon rôle, est donc de la guider au sein d’un environnement qui répondra à sa soif de stimulation. Cet environnement sera composé de mouvement simple (courir, sauter, ramper, etc.) et variable (plusieurs directions et plusieurs plans). Je m’abstiens de donner des consignes trop complexes et je ne m’attarde que très peu à la qualité de l’exécution. Je fais confiance au système nerveux d’Amber, qui fonctionne par essai-erreur et dont les capacités d’apprentissage sont de loin supérieures à mes capacités d’enseignant. Enseignant dis-je? Dans le contexte présent je préfère utiliser ce mot à celui d’entraîneur. À cet âge je n’entraîne pas l’enfant, je l’oriente à travers le mouvement pour optimiser son apprentissage moteur. Dernier détail concernant l’environnement d’apprentissage d’Amber, le jeu. L’expérience doit impérativement être positive pour l’enfant, le jeu représente un formidable outil pour jumeler plaisir et apprentissage.
Toujours par souci de personnaliser mon approche auprès d’Amber je m’attarde aussi sur son niveau de motivation ainsi que son niveau d’habileté. Comme présenté plus tôt, Amber fait preuve de beaucoup de motivation et de peu d’habileté. J’adore travailler avec ce genre d’enfant car leur bonne humeur est contagieuse, il faut toutefois s’assurer que cette énergie débordante ne devienne pas un frein à leur courbe d’apprentissage. Rappelez-vous, j’ai parlé de guider l’enfant au sein d’un environnement dans le paragraphe qui précède, et bien cela s’applique parfaitement à ce genre de situation. L’énergie d’Amber a besoin d’être canalisée et orientée. Par moment, je vais lui faire prendre conscience des mouvements qu’elle exécute en lui demandant de verbaliser ses actions. Cette prise de conscience lui permettra de concentrer son attention sur certains détails qu’elle aura choisis.
Ce qu’il faut retenir de cette mise en situation, c’est l’importance d’adapter son approche. Cela permet d’optimiser l’impact du mouvement sur le développement de l’enfant. Pour y parvenir, je vous suggère l’auteur Brian Grasso. Une recherche sur le web vous permettra de découvrir plusieurs articles de cet auteur sur le sujet.
Une expérience gratifiante
À titre personnel et en tant que professionnel de l’activité physique, je considère qu’encadrer des enfants représente une opportunité unique. J’ai eu l’occasion d’entraîner tous les âges, je vous confirme que les enfants sont des éponges, la courbe d’apprentissage est tellement rapide qu’ils vous donnent l’impression d’être un « super-entraîneur ». C’est très gratifiant de voir l’impact que peut avoir notre métier sur la santé du futur de notre société. J’aimerais toutefois rappeler un concept fort évident que nous avons tendance à oublier. L’impact final d’une ou plusieurs actions se mesure sur le long terme. Assurons-nous que la notion de plaisir et de jeu soit au cœur des stimulations motrices. Avant de leur apprendre à bouger, apprenons-leur à aimer le mouvement !
Hindley et al. (1966) Difference in age of walking in five European longitudinal samples Wayne State University Press 38-4 364-379.
Chugani HT (1998) A critical period of brain developement : studies of cerebral glucose utilization with PET Preventive Medicine 27 184-188.